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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/666

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REMARQUES


uniquement occupé du bonheur de ses peuples, menant une vie simple et frugale, sans gardes, sans appareil, sans courtisans, n’ayant que quelques sages livrés aux mêmes soins que lui ; j’ignore si un tel prince n’offrirait point un spectacle plus attendrissant, plus imposant même que celui de la cour la plus brillante, et par conséquent la plus ruineuse pour la nation qui la paye ; mais du moins faut-il avouer qu’il est plus nécessaire à un peuple d’avoir du pain, que d’éblouir les étrangers par la triste représentation d’une cour somptueuse. Cette morale devrait être celle de tous les rois ; presqu’aucune cependant ne l’a connue ; et ceux qui ont paru s’en souvenir quelquefois dans leurs discours, l’ont oubliée dans leur conduite.

9° L’usage d’ouvrir les lettres des citoyens, de leur arracher les secrets qu’ils n’ont pas confiés, ne peut être regardé que comme une violation ouverte de la foi publique. Il est clair encore que cette infamie n’a aucune autre utilité que de fournir un aliment à la curiosité du prince, ou aux petites passions des ministres, et de donner au chef des espions les moyens de nuire à qui il veut auprès du gouvernement. Aucun secret important ne peut se connaître par cette voie, parce que cet espionnage est public ; et que si l’on confie encore quelquefois à la poste des réflexions ou des épigrammes, on n’y livre ni ses projets, ni ses complots. Les espions, répandus dans les maisons particulières, sont un autre ressort de la police moderne, aussi infâme et aussi inutile. On raconte qu’un ministre de Charles Ier,