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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


ticulières ; différentes en apparence pour chaque problème, elles n’étaient sans cloute réellement qu’une seule et même méthode ; sans doute elles renfermaient le principe général qui y était caché, mais personne n’avait pu l’y découvrir ; et si on refusait, sous ce prétexte, à M. D’Alembert la juste admiration qu’il mérite, on pourrait, avec autant de raison, faire honneur à Huyghens des découvertes de Newton, et accorder à Wallis la gloire que Leibnitz et Newton se sont disputée.

Les découvertes successives qui forment les sciences naissent les unes des autres ; celle qui appartient exclusivement à un seul homme est due à son génie, aidé des travaux de ceux qui l’ont précédé, lui ont aplani la carrière, et ne lui ont plus laissé qu’un dernier obstacle à vaincre : mais, parmi ces découvertes, il en est qui, par leur étendue, leur influence sur le progrès général des sciences, la nombreuse suite de théories nouvelles qui n’en sont que le développement, semblent former une classe particulière, et mériter à leur inventeur un rang à part dans le nombre déjà si petit des hommes de génie.

Telle a été celle du principe de M. D’Alembert. Déjà, en 1744, il l’avait appliqué à la théorie de l’équilibre et du mouvement des fluides, et tous les problèmes résolus jusqu’alors par les géomètres étaient devenus en quelque sorte des corollaires de ce principe : mais il avait fallu employer en même temps les hypothèses ingénieuses de M. Daniel Bernoulli, que leur accord avec les phénomènes les plus généraux de l’hydraulique permettait presque de