leur réunion, à la fois estimable et amusant, le faisaient rechercher dans le monde. On aimait en lui
cette bonhomie, si touchante quand elle se trouve
dans les hommes supérieurs, chez qui pourtant elle
est bien moins rare que dans ceux qui n’ont que
la prétention de l’être.
Cependant un roi, déjà illustré par cinq victoires, et dont la gloire devait croître encore, avertit enfin la France qu’elle avait un grand homme de plus ; ses bienfaits vinrent chercher M. D’Alembert, et il y joignit des témoignages d’estime et d’amitié fort au-dessus de ses bienfaits.
Peu de temps après, M. D’Alembert reçut une pension du gouvernement ; il la devait à l’amitié de M. le comte d’Argenson, qui aimait les gens d’esprit, et n’en était point jaloux, parce que lui-même avait beaucoup d’esprit. Cette jalousie est plus commune qu’on ne le croit, et elle a été souvent le motif secret de l’indifférence ou de la haine de quelques ministres pour les hommes de génie que le hasard avait fait naître dans le même pays et dans le même siècle.
La tranquillité de M. D’Alembert fut altérée dès que sa réputation fut plus répandue. Lorsque son goût pour la littérature et ses méditations sur la philosophie étaient un secret connu seulement de ses amis ; borné aux yeux de tous les autres à l’étude des sciences abstraites, il échappait à leur jugement ; apprécié par un petit nombre de rivaux ou de disciples, admiré d’eux seuls, sa gloire n’offensait encore personne.