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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/82

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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


vaine gloire, et qui furent blessés de voir exposer aux yeux du public la honte des fers qu’ils n’osaient rompre ou qu’ils ambitionnaient de porter. On ne peut mieux juger cet essai qu’en rapportant la réponse d’une femme de la cour à des hommes qui reprochaient à M. D’Alembert d’avoir exagéré le despotisme des grands et l’asservissement qu’ils exigent : S’il in avait consultée, je lui en aurais appris bien davantage.

Peut-être devons-nous en partie à cet ouvrage le changement qui s’est fait dans la conduite des gens de lettres, et qui remonte vers la même époque ; ils ont senti enfin que toute dépendance personnelle d’un Mécène leur ôtait le plus beau de leurs avantages, la liberté de faire connaître aux autres la vérité lorsqu’ils l’ont trouvée, et d’exposer dans leurs ouvrages, non les prestiges de l’art d’écrire, mais le tableau de leur âme et de leurs pensées : ils ont renoncé à ces épîtres dédicatoires qui avilissaient l’auteur, même lorsque l’ouvrage pouvait inspirer l’estime ou le respect ; ils ne se permettent plus ces flatteries, toujours d’autant plus exagérées, qu’ils méprisaient davantage au fond du cœur l’homme puissant dont ils mendiaient la protection ; et, par une révolution heureuse, la bassesse est devenue un ridicule que très-peu d’hommes de lettres ont eu le courage de braver.

M. D’Alembert joignit à ces ouvrages philosophiques la traduction de quelques morceaux choisis de Tacite ; c’était s’exposer aux coups d’une classe d’hommes qui n’auraient pu l’atteindre, s’il fût resté