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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/84

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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


simple spectateur. Lorsqu’on examine les disputes de ce genre, longtemps après le moment où elles se sont élevées, lorsque le temps a calmé les premiers mouvements de l’amour-propre, lorsque l’amitié même, dont le zèle est quelquefois plus durable, peut considérer de sang-froid les objets de la discussion, souvent on s’étonne de l’importance qu’on y avait attachée. On pourrait demander ici pourquoi M. D’Alembert n’imita point la tranquillité de M. Euler ; et comment, lorsque le mérite d’avoir résolu le problème ne lui était point contesté, lorsqu’il ne partageait avec personne, ni la gloire d’avoir découvert un principe fondamental de la mécanique, et de l’avoir appliqué, soit à la théorie des fluides, soit au mouvement des corps finis, ni celle d’avoir inventé un nouveau calcul, il pouvait mettre tant de prix à la part plus ou moins grande qu’il devait obtenir dans l’honneur de la solution d’un problème moins difficile ? Mais il est un effort presque impossible à notre faiblesse, celui de supporter tranquillement l’injustice ; peut-être le sentiment de nos forces, qui fait souffrir tant de maux avec constance, est-il plus propre à fortifier qu’à détruire ce mouvement de la nature indignée, qu’il ne faut pas confondre avec la vanité ou avec la jalousie.

M. D’Alembert éprouvait alors les effets de cette injustice ; depuis qu’il s’était placé parmi les gens de lettres du premier ordre, on s’était rendu plus difficile sur sa réputation comme géomètre. Le public, qui laisse assez paisiblement les mathématiciens (dont il ne connaît que les noms) régler les rangs