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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/89

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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


incomplet, et aurait perdu une grande partie de son utilité, si cette question n’y avait pas été résolue ; il pensait d’ailleurs que, tant qu’elle restait indécise, il n’était ni juste ni prudent de rendre publiques les difficultés qu’elle présentait, et nous croyons devoir imiter ici sa discrétion.

Le roi de Prusse lut les Éléments de philosophie, et montra combien il les estimait, en proposant à l’auteur des difficultés sur lesquelles il lui demanda des éclaircissements. Ils ont été imprimés depuis, mais non absolument tels qu’ils avaient été envoyés au roi : on pouvait dire à ce prince des vérités que des particuliers, revêtus ailleurs d’une autorité précaire, auraient craint d’entendre ; et il fallait développer aux hommes ordinaires ce qu’il suffisait d’indiquer à ce monarque.

Qu’il me soit permis de tracer ici, d’après les conversations, comme d’après les ouvrages de M. D’Alembert, un tableau faible, mais fidèle, des principes de sa philosophie, et de discuter même quelques-uns des reproches qu’on a pu lui faire sur ses opinions ; l’amitié ne me fera point altérer la vérité, elle a aussi son orgueil, et je croirais l’offenser si je paraissais craindre que M. D’Alembert ne fût pas assez grand pour que ses amis mêmes puissent avouer ses défauts.

Longtemps occupé des sciences mathématiques, M. D’Alembert avait contracté l’habitude de n’être frappé que des vérités susceptibles de preuves rigoureuses ; il voyait la certitude s’éloigner, à mesure que l’on ajoutait des idées accessoires aux idées simples,