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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/98

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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


monde qui fréquentent le plus les spectacles : il semblait que, pour y aller avec plus de plaisir, ils avaient attendu à être bien sûrs de ne pouvoir en retirer aucune utilité réelle. M. D’Alembert répondit à la lettre de M. Rousseau, et nous avouerons sans peine que sa réponse eut moins de succès ; c’est, dans toute dispute, le sort des ouvrages dont l’auteur, sachant éviter les deux extrêmes, garde ce juste milieu où se plaît la vérité. Les ennemis de M. D’Alembert espérèrent un moment que sa querelle avec les pasteurs genevois laisserait quelques doutes sur la pureté de sa conduite, mais ils virent bientôt que cette espérance n’était pas fondée, et la dispute fut oubliée.

Pendant que les éditeurs de l’Encyclopédie s’occupaient à rendre ce livre plus digne de son succès ; que les défauts qu’on avait reprochés aux premiers volumes s’effaçaient de plus en plus ; que les hommes les plus éclairés s’empressaient d’y contribuer, ce même ouvrage essuyait une sorte de persécution. Les deux partis qui avaient longtemps partagé l’Église de France, étaient alors dans le moment où la chute de l’un d’eux, devenue inévitable, allait entraîner l’autre avec lui : l’Encyclopédie gardait entre eux une neutralité absolue, et tous deux se réunirent contre elle ; des libelles enfantés par des écrivains incapables de l’entendre ou d’en profiter, persuadèrent à des hommes puissants que ce livre pouvait être dangereux pour la nation, ou du moins pour eux-mêmes. L’accusation d’impiété avait cessé d’être effrayante, à force d’avoir été prodiguée ; on