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VIF. UE M. TURGOT. 177

ment des douleurs souffertes, et des récompenses à la vertu. Mais M. Turgot n’allait pas plus loin. Autant il trouvait lidicule de regarder le directeur de tant de mondes comme un monarque occupé à distribuer des cordons, ou à condamner à des tortures, ayant une cour, une bastille et des bourreaux ; autant il kii paraissait insensé de vouloir se mettre à sa place, et créer un nouvel univers pour se consoler de n’avoir pu connaître qu’une bien faible partie de celui qui existe.

Ces vues d’une métaphysique générale, dont nous ne pouvons offrir qu’une petite partie, occupèrent longtemps M. Turgot. Il n’aimait pas en parler, même à ses amis les plus chers. Persuadé qu’il pouvait répandre une véritable lumière siu" ces questions, aliments éternels de disputes chez presque tous les peuples, se flattant de l’avoir entrevue, il crovait qu’un ouvrage méthodique et approfondi était le seul moyen de dissiper une obscurité qui tient uniquement à la difficulté de soumettre à une analyse exacte des idées fines et compliquées, et il était persuadé qu’il ne pouvait rien détacher de cet ensemble sans affaiblir, sans presque anéantir la force des preuves qui en résultaient. Aussi, de tous les hommes qui ont eu sur ces mêmes questions une opinion arrêtée, aucun n’a eu peut-être une conviction plus forte, plus inébranlable, et, seul, il a été vraiment tolérant. Il tolérait également et le pyrrhonisme et la croyance la plus ferme des opinions opposées aux siennes, sans même que cette opposition altérât en rien, ni son estime pom- les talents,

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