Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/209

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pas moins que son esclave au maître qui voudra l’acheter.

Parmi nous, les emplois pénibles de la société sont confiés à des hommes libres qui, obligés de travailler pour satisfaire à leurs besoins, ont cependant les mêmes droits, et sont les égaux de ceux que leur fortune en a dispensés. Une grande portion des enfants des citoyens sont destinés à des occupations, dures dont l’apprentissage doit commencer de bonne heure, dont l’exercice occupera tout leur temps : leur travail devient une partie de la ressource de leur famille, même avant qu’ils soient absolument sortis de l’enfance ; tandis qu’un grand nombre à qui l’aisance de leurs parents permet d’employer plus de temps, et de consacrer même quelque dépense à une éducation plus étendue, se préparent, par cette éducation, à des professions plus lucratives ; et que pour d’autres enfin, nés avec une fortune indépendante, l’éducation a pour objet unique de leur assurer les moyens de vivre heureux et d’acquérir la richesse ou la considération que donnent les places, les services ou les talents.

Il est donc impossible de soumettre à une éducation rigoureusement la même des hommes dont la destination est si différente. Si elle est établie pour ceux qui ont moins de temps à consacrer à l’instruction, la société est forcée de sacrifier tous les avantages qu’elle peut espérer du progrès des lumières. Si, au contraire, on voulait la combiner pour ceux qui peuvent sacrifier leur jeunesse entière à s’instruire, ou l’on y trouverait d’insurmontables