Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/215

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les opinions contraires qu’elle doit les combattre ou les prévenir ; c’est en les écartant de l’instruction publique, non par des lois, mais par le choix des maîtres et des méthodes ; c’est surtout en assurant aux bons esprits les moyens de se soustraire à ces erreurs, et d’en connaître tous les dangers.

Son devoir est d’armer contre l’erreur, qui est toujours un mal public, toute la force de la vérité ; mais elle n’a pas droit de décider où réside la vérité, où se trouve l’erreur. Ainsi, la fonction des ministres de la religion est d’encourager les hommes à remplir leurs devoirs ; et cependant, la prétention à décider exclusivement quels sont ces devoirs serait la plus dangereuse des usurpations sacerdotales.

En conséquence, elle ne doit pas confier l’enseignement à des corps perpétuels.

La puissance publique doit donc éviter surtout de confier l’instruction à des corps enseignants qui se recrutent par eux-mêmes. Leur histoire est celle des efforts qu’ils ont faits pour perpétuer de vaines opinions que les hommes éclairés avaient dès longtemps reléguées dans la classe des erreurs ; elle est celle de leurs tentatives pour imposer aux esprits un joug à l’aide duquel ils espéraient prolonger leur crédit ou étendre leurs richesses. Que ces corps soient des ordres de moines, des congrégations de demi-moines, des universités, de simples corporations, le danger est égal. L’instruction qu’ils donneront aura toujours pour but, non le progrès des lumières, mais l’augmentation de leur