Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/235

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que celle qui a pour principe l’amour de la gloire ou plutôt l’orgueil ; car le véritable amour de la gloire n’est ni une passion d’enfant ni un sentiment fait pour devenir général dans l’espèce humaine. Vouloir l’inspirer aux hommes médiocres (et des hommes médiocres peuvent cependant obtenir les premiers prix dans leur classe), c’est les condamner à l’envie. Ce dernier genre d’émulation, en excitant les passions haineuses, en inspirant à des enfants le sentiment ridicule d’une importance personnelle, produit plus de mal qu’il ne peut faire de bien en augmentant l’activité des esprits.

La vie humaine n’est point une lutte où des rivaux se disputent des prix ; c’est un voyage que des frères font en commun, et où chacun employant ses forces pour le bien de tous, en est récompensé par les douceurs d’une bienveillance réciproque, par la jouissance attachée au sentiment d’avoir mérité la reconnaissance ou l’estime. Une émulation qui aurait pour principe le désir d’être aimé, ou celui d’être considéré pour des qualités absolues, et non pour sa supériorité sur autrui, pourrait devenir aussi très puissante ; elle aurait l’avantage de développer et de fortifier les sentiments dont il est utile de faire prendre l’habitude ; tandis que ces couronnes de nos collèges, sous lesquelles un écolier se croit déjà un grand homme, ne font naître qu’une vanité puérile dont une sage instruction devrait chercher à nous préserver, si malheureusement le germe en était dans la nature, et non dans nos maladroites institutions. L’habitude de vouloir être le premier