Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/237

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aux pièges de la calomnie, n’est-il pas évident qu’une telle association réunira rapidement sous ses drapeaux et la médiocrité ambitieuse et les talents déshonorés ; qu’elle aura pour satellites dociles cette foule d’hommes, sans autre industrie que leurs vices, et condamnés par le mépris public à l’opprobre comme à la misère ; que bientôt, enfin, s’emparant de tous les pouvoirs, gouvernant le peuple par la séduction et les hommes publics par la terreur, elle exercera, sous le masque de la liberté, la plus honteuse comme la plus féroce de toutes les tyrannies ? Par quel moyen cependant vos lois, qui respecteront les droits des hommes, pourront-elles prévenir les progrès d’une semblable conspiration ? Ne savez-vous pas combien, pour conduire un peuple sans lumières, les moyens des gens honnêtes sont faibles et bornés auprès des coupables artifices de l’audace et de l’imposture ? Sans doute il suffirait d’arracher aux chefs leur masque perfide ; mais le pouvez-vous ? Vous comptez sur la force de la vérité ; mais elle n’est toute puissante que sur les esprits accoutumés à en reconnaître, à en chérir les nobles accents.

Ailleurs ne voyez-vous pas la corruption se glisser au milieu des lois les plus sages et en gangrener tous les ressorts ? Vous avez réservé au peuple le droit d’élire ; mais la corruption, précédée de la calomnie, lui présentera sa liste et lui dictera ses choix. Vous avez écarté des jugements la partialité et l’intérêt ; la corruption saura les livrer à la crédulité que déjà elle est sûre de séduire. Les institutions les plus justes, les vertus les plus pures ne sont, pour la corruption,