Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/238

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que des instruments plus difficiles à manier, mais plus sûrs et plus puissants. Or, tout son pouvoir n’est-il pas fondé sur l’ignorance ? Que ferait-elle en effet, si la raison du peuple, une fois formée, pouvait le défendre contre les charlatans que l’on paye pour le tromper ; si l’erreur n’attachait plus à la voix du fourbe habile un troupeau docile de stupides prosélytes ; si les préjugés, répandant un voile perfide sur toutes les vérités, n’abandonnaient pas à l’adresse des sophistes l’empire de l’opinion ? Achèterait-on des trompeurs, s’ils ne devaient plus trouver des dupes ? Que le peuple sache distinguer la voix de la raison de celle de la corruption, et bientôt il verra tomber à ses pieds les chaînes d’or qu’elle lui avait préparées ; autrement lui-même y présentera ses mains égarées, et offrira, d’une voix soumise, de quoi payer les séducteurs qui les livrent à ses tyrans. C’est en répandant les lumières que, réduisant la corruption à une honteuse impuissance, vous ferez naître ces vertus publiques qui seules peuvent affermir et honorer le règne éternel d’une paisible liberté.

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