Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/253

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si on lui en fait observer quelques-unes des propriétés, il est inutile que la description de cet objet s’étende à toutes les propriétés qui le distinguent des autres objets connus. Pour que l’enfant emploie ce mot avec justesse, il suffit qu’il ait retenu quelques-unes des propriétés qui distinguent cet objet de tous ceux qu’il connaît lui-même. Ce serait détruire absolument l’intelligence humaine que de vouloir l’assujettir à ne marcher que d’idées précises en idées précises, à n’apprendre des mots qu’après avoir rigoureusement analysé les idées qu’ils expriment ; elle doit commencer par des idées vagues et incomplètes, pour acquérir ensuite, par l’expérience et par l’analyse, des idées toujours de plus en plus précises et complètes, sans pouvoir jamais atteindre les limites de cette précision et de cette connaissance entière des objets.

Ainsi, par des mots que les enfants puissent comprendre, on doit entendre ceux qui expriment pour eux une idée à leur portée ; de manière que cette idée, sans être la même que celle qu’aurait un homme fait, ne renferme rien de contradictoire à celle-ci. Les enfants seraient à peu près comme ceux qui n’entendent de deux mots synonymes que ce qu’ils ont de commun et à qui leur différence échappe. Avec cette précaution, les élèves acquerront une véritable instruction, et on ne leur donnera pas d’idées fausses, mais seulement des idées incomplètes et indéterminées, parce qu’ils ne peuvent en avoir d’autres. Autrement, il serait impossible de se servir avec eux de la langue des hommes ; et comme on