Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/279

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copies de toute discussion étendue rendait peu important l’avantage que l’on aurait pu tirer de l’écriture. Lorsque la forme du gouvernement romain fut changée, le peu de tranquillité de celui qui remplaça la république ne permit pas de prendre de nouvelles habitudes. Les anciens ne se sont donc occupés dans leurs écoles que des moyens d’apprendre à parler, et ils avaient poussé cet art à un point qui prouve de quelle importance il était à leurs yeux. Sans doute ils n’avaient pas la prétention de donner le talent ou le génie, de montrer le secret d’avoir de l’esprit ou de l’éloquence, d’être ingénieux ou sublime, véhément ou pathétique ; mais ils enseignaient des méthodes à l’aide desquelles un homme médiocre pouvait ou prononcer sur-le-champ, ou préparer en très peu de temps un discours régulièrement disposé et fait avec ordre. Ils indiquaient les défauts qui nuisaient soit à l’harmonie du style, soit à l’impression du discours ; ils apprenaient les moyens de produire des effets tantôt par quelques artifices d’harmonie, tantôt par des formes oratoires, piquantes ou passionnées, et l’art de dissimuler par là le vide des idées ou l’absence du sentiment. Ils montraient comment, en insérant dans un discours des morceaux brillants, préparés d’avance, on suppléait au défaut de temps, on donnait à ses discours impromptus un caractère imposant, on ajoutait à l’influence qu’ils pouvaient avoir sur les juges ou sur le peuple, en faisant admirer le talent ou les lumières de l’orateur, qui paraissait devoir à l’inspiration du moment, et avoir tiré du fonds de son sujet ces fragments