Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/298

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C’est surtout entre les fonctions ecclésiastiques et celles de l’instruction qu’il est nécessaire d’établir une incompatibilité absolue dans les pays où la puissance publique reconnaît ou soudoie un établissement religieux. Je dis les fonctions ecclésiastiques, car je ne suppose pas qu’il existe une caste séparée dévouée au sacerdoce même sans en exercer les fonctions. Je suppose, ou qu’il n’y a pas de prêtres sans emploi, ou qu’ils ne sont distingués en rien du reste des citoyens ; car s’ils étaient séparés des autres individus, si la loi les soumettait à quelque obligation particulière, reconnaissait en eux quelque prérogative, il faudrait que la non-éligibilité remplaçât la simple incompatibilité et s’étendît jusqu’à eux ; autrement, l’instruction tomberait bientôt tout entière entre des mains sacerdotales. C’en serait fait de la liberté comme de la raison ; nous reprendrions les fers sous lesquels les Indiens et les habitants de l’Égypte ont gémi si longtemps. Les peuples qui ont leurs prêtres pour instituteurs ne peuvent rester libres ; ils doivent insensiblement tomber sous le despotisme d’un seul, qui, suivant les circonstances, sera ou le chef ou le général du clergé. Ce serait une idée bien fausse que de compter sur l’établissement d’une doctrine religieuse pure, exempte de superstition, tolérante, se confondant presque avec la raison, pouvant perfectionner l’espèce humaine sans risquer de la corrompre ou de l’égarer. Toute religion dominante, soit par la loi, soit par un privilège exclusif à des salaires publics, soit par le crédit que lui donnent des fonctions étrangères confiées à