Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/309

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proche d’avoir éloigné d’elles les hommes de génie. Celle qui en a essuyé de plus violents, l’Académie française, n’a pas, sans doute, sur sa liste, tous les noms qui ont honoré notre littérature ; mais qu’on examine ceux qui y manquent, et on verra que tous, sans exception, en ont été écartés par la superstition, qui tenait dans un honteux avilissement les dépositaires du pouvoir, lâches ou corrompus, et leur dictait avec une hypocrite arrogance les noms qu’elle voulait illustrer et proscrire. je demanderai donc comment on peut craindre la partialité des académies, si, dans un siècle, dix de ces corps ne peuvent en offrir un seul exemple.

On leur reproche encore un attachement opiniâtre à certaines doctrines, qui peut, dit-on, les conduire à de mauvais choix, et contribuer à prolonger les erreurs. Celui de l’Académie des sciences de Paris, pour le cartésianisme, en est l’exemple le plus frappant que l’on puisse citer, et par son importance et par sa durée ; cependant son cartésianisme ne l’a point empêchée d’admettre, d’appeler des géomètres newtoniens. Ce sont des membres de cette même académie qui, les premiers, dans le continent de l’Europe, ont professé hautement le newtonianisme. Les Cartésiens se bornaient à regarder comme une philosophie dangereuse pour la vérité celle qui, ne se croyant pas obligée de remonter à un principe de mouvement purement mécanique, s’arrêtait tranquillement à une loi vérifiée par l’expérience ; et, malgré cette dispute de métaphysique, les Cartésiens ne refusaient ni de croire les faits nouveaux qu’ils