Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/313

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scientifique. Une seule erreur suffirait pour la détruire ; plus la découverte rejetée serait grande, brillante, utile, plus leur honte serait durable : aussi mériteraient-ils bien plutôt le reproche de trop d’indulgence. On trouve dans ces sociétés plus de talent que d’érudition dans les sciences ; et les inventions oubliées y passent souvent pour des inventions nouvelles. La paresse est indulgente, et elle est naturelle à des hommes livrés à la méditation, quand on les arrache à leurs idées pour les forcer à se traîner sur celles d’autrui. Enfin, la présence des hommes supérieurs empêche la médiocrité d’être difficile, et eux-mêmes sont d’autant plus disposés à traiter favorablement les petites choses, que la gloire qui en est le fruit ressemble moins à la leur. Voilà pourquoi l’on peut laisser les compagnies savantes se renouveler elles-mêmes, sans craindre qu’elles cessent jamais d’être, à chaque époque, la réunion des hommes les plus éclairés, les plus célèbres par leurs talents. Voilà pourquoi on peut se fier à leurs jugements, sans craindre ni les préjugés, ni les systèmes de quelques-uns de leurs membres.

Ces reproches tant répétés de s’emparer de l’opinion, d’arrêter les progrès des découvertes, d’exercer en quelque sorte un monopole sur la vérité comme sur la gloire, sont donc absolument chimériques, et il n’est pas difficile d’assigner la cause de ces vaines accusations. Elle est dans la réunion trop commune d’une grande présomption à beaucoup d’ignorance ; d’une mauvaise tête à des connaissances étendues, mais mai dirigées ; d’une imagination désordonnée au