Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/333

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cune autorité, sont autant de moyens de diminuer l’influence que ceux qui gouvernent auraient sur l’instruction, et d’y substituer celle de l’opinion indépendante des hommes éclairés. Nous avons montré comment, sans tomber dans l’idée absurde de donner un privilège exclusif de lumières et de sciences, on pouvait s’assurer de connaître cette opinion, puisque les hommes éclairés, si on les laisse libres dans leur choix, sauront se connaître et se réunir ; et que si la société reconnue par le pouvoir public était tentée de se corrompre, la crainte de voir une société libre se former auprès d’elle serait toujours capable de la contenir. Ainsi la liberté n’a point à craindre le danger d’une instruction dirigée d’après les vues politiques des dépositaires du pouvoir ; ainsi les familles restent libres dans le choix d’une instruction ; ainsi la facilité d’opposer une autre instruction à l’instruction établie, d’y ajouter ce qui pourrait y manquer, est à la fois une ressource contre les erreurs qui peuvent se glisser dans cet établissement, et une espèce de censure toujours subsistante.

Cette liberté d’instruction indépendante s’étendant sur tous les maîtres, sur l’enseignement de toutes les sciences, sur les maisons d’institution, sur les compagnies savantes, il ne peut rester la crainte la plus légère à ceux qui portent même jusqu’au scrupule l’amour d’une liberté la plus indéfinie ; mais en même temps cette concurrence n’est pas à craindre pour les établissements autorisés, tant que ceux-ci n’auront pas une infériorité marquée ; et la puissance publique aura rempli ses devoirs sans excéder ses