Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/344

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vée par l’expérience d’une rêverie annoncée avec une audacieuse importance, doit regarder toute innovation comme un véritable jeu de hasard, dans lequel il ne veut risquer ni sa subsistance ni même une partie de sa fortune. Cette prudence n’est donc point de la stupidité ; car la grande probabilité du succès peut seule justifier des tentatives, quand ce n’est pas la curiosité qui y consacre une partie du superflu. Le défaut d’instruction est donc la véritable cause du peu de progrès de l’agriculture, et on ne se plaindra plus de cette haine trop commune pour les nouveautés, lorsqu’on aura instruit les hommes à les apprécier ; mais ils aimeront à rester à leur place, tant qu’ils ne pourront marcher que dans les ténèbres.

S’il est utile de les instruire des nouvelles découvertes, il ne l’est pas moins de leur en exposer les détails, de manière qu’ils puissent juger eux-mêmes de l’étendue et de la certitude du succès ; de leur apprendre comment, par des épreuves en petit, ils s’assureront que des circonstances locales n’en rendent point l’application difficile ou douteuse. La méthode d’exposer une découverte n’est pas la même pour le savant auquel on veut la faire connaître et pour le praticien qui doit l’employer. Ce dernier n’a besoin de connaître que les moyens et les résultats, l’autre veut surtout savoir comment ces moyens ont opéré, comment les résultats ont été produits. L’exactitude pour l’un s’arrête au point où elle cesse d’être utile ; pour l’autre elle s’étend jusqu’où les instruments ou les calculs peuvent atteindre ; et, tandis