Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/356

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tionnaire, un objet dans une table, un lieu sur une carte, une époque sur un tableau chronologique, ou suivre une description sur une planche. Ce n’est pas tout encore : peut-on répondre qu’un homme ne lira jamais que des ouvrages élémentaires qui ne renferment que des vérités ? Il faut donc lui apprendre à entendre aussi les autres livres, à en appliquer les raisonnements et les maximes aux principes sur lesquels il a déjà arrêté son opinion, à ne prendre littéralement ni les figures de style ni les exagérations d’idées. Dans tout ce qui n’est ni métaphysique intellectuelle ou morale, ni calcul, ni faits naturels, on aurait peine à trouver des phrases qui n’eussent qu’un seul sens. Presque toujours elles ont le double but d’exposer une proposition, et de soutenir l’attention de l’homme à qui on l’expose, en excitant un sentiment, en présentant des images, en choisissant des expressions qui réveillent d’autres idées.

Accoutumés à lire, habitués à des styles divers, ces accessoires nous amusent ou nous intéressent, nous rebutent ou nous ennuient, mais ne nous empêchent pas de saisir, sous l’enveloppe qui la couvre, la proposition qu’on veut nous faire entendre. Il n’en est pas de même de ceux qui n’ont pas cette habitude. Il ne serait pas difficile de faire un récit purement allégorique où, changeant les noms, dénaturant les événements, faisant agir des êtres imaginaires, supposant des faits chimériques, on aurait cependant écrit une histoire réelle très claire pour un certain nombre de personnes, mais absolument inintelligible pour tous les autres, ou plutôt leur