Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/372

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Les sociétés savantes servent à l’instruction en dirigeant les opinions.


Parmi les moyens d’instruction pour les hommes, nous compterons encore les sociétés savantes. Il ne s’agit pas ici de leur influence sur le progrès des sciences et des arts, mais de celle qu’elles ont par leurs jugements et par leurs opinions. Il est impossible de supposer une instruction telle, que chaque homme soit en état de juger par lui-même de tout ce qui peut être utile, d’apprécier toutes les idées, toutes les inventions nouvelles ; car, de cela seul qu’elles sont nouvelles, il en résulte que, comme il a fallu du génie ou du travail pour les trouver, il faut, pour les juger au moment où elles paraissent, des connaissances qui se rapprochent de celles dont les inventeurs ont eu besoin dans leurs recherches. L’inégalité des esprits, celle du temps employé à s’instruire, la multiplicité des professions qui n’exercent point les facultés intellectuelles, ou qui les concentrent sur quelques objets, rend ce degré de perfection impossible. Il est donc utile qu’il existe des juges sur les lumières desquels la raison du commun des hommes puisse s’appuyer, et qui les dispensent, non de s’instruire, mais de choisir leur instruction. Il leur est utile d’avoir un signe auquel ils puissent reconnaître l’opinion des hommes éclairés, qui, lorsqu’elle est unanime et définitivement formée, se trouve presque toujours d’accord avec la vérité ; et voilà ce qu’ils trouveront dans un système