Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/386

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Que dans les pays dévorés par le fléau de l’inégalité, un grand, placé par sa naissance sur les marches du trône, un ministre nourri dans le tourbillon des grandes affaires, un homme décoré dès son enfance d’une place héréditaire ou vénale, se croient les maîtres des autres hommes, et regardent avec un insolent dédain le philosophe qui prétend régler par de vains raisonnements le monde qu’ils oppriment ou qu’ils dépouillent, leur folie ne mérite que le mépris et la pitié ; c’est l’effet involontaire et incurable de leur éducation, et on ne doit pas en être plus étonné que de voir un Siamois adorer Sammonocodom. Mais que l’on ose répéter ce langage dans un pays libre ; que des hommes qui par la protection de quelques commis sont parvenus à des places du second ordre ; que d’autres qui doivent à leurs livres toute leur réputation ; que des compilateurs de dictionnaires ou de gazettes ; que de jeunes gens portés par le hasard, au sortir des écoles, à une place importante, se permettent d’imiter ce superbe langage, alors on a droit de s’indigner d’une opinion qui ne peut être sincère.

L’idée de soumettre la politique à la philosophie a d’autres adversaires encore. Ceux-ci croient que le simple bon sens doit suffire à tout, pourvu qu’il s’unisse à un grand zèle. Quelques-uns y ajoutent seulement le secours d’une illumination intérieure qui supplée aux lumières acquises, et avec laquelle on se passe de raison.

Quel est le motif secret de ceux qui professent ces opinions ? C’est d’abord le désir de s’écarter des