Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/397

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d’elles. Cette classe nombreuse d’hommes utiles n’offrira plus le spectacle affligeant de gens d’un véritable talent, d’un grand courage, d’une infatigable activité, malheureux par ces qualités mêmes, entraînés malgré eux dans des tentatives ou vaines ou mal dirigées ; ne pouvant, au milieu de la misère qui menace leur famille, résister ni à leur imagination ni à leurs espérances ; tourmentés, enfin, par le désordre de leurs affaires, comme par le regret de ne pouvoir poursuivre leur carrière, par leurs remords comme par leurs idées. Les hommes qui, par état ou par goût, suivent la marche des arts, savent seuls combien ces exemples sont fréquents ; ils savent seuls combien de temps et de capitaux sont perdus même par ceux qui échappent à ce malheur ; et quelles sources de prospérité pourraient ouvrir ces mêmes talents, ces mêmes capitaux employés d’une manière utile !

Enfin, l’instruction des ouvriers rassemblés dans les villes a une utilité politique trop peu sentie. Les travaux des arts sont en général d’autant moins variés pour chaque homme en particulier qu’ils se perfectionnent davantage ; leurs progrès tendent à circonscrire les idées du simple ouvrier dans un cercle plus étroit ; la continuité de ses occupations monotones laisse moins de liberté à sa pensée, et présente moins d’objets à sa réflexion : en même temps celui des villes est exposé à plus de séduction, parce que c’est auprès de lui que se rassemblent et s’agitent ceux qui ont besoin de tromper les hommes, et dont les projets coupables demandent des instruments