Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/415

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teurs s’il sait que cet abus de son talent lui ravira l’honneur d’immortaliser son pinceau en traçant les actions que la reconnaissance publique consacre à la postérité ? D’ailleurs, ce qui blesse réellement la décence n’a jamais eu rien de commun ni avec les grands talents, ni surtout avec la perfection des arts. Dans les temps de barbarie, des peintures de ce genre ornaient jusqu’aux heures de nos dévots aïeux, et les ouvrages que le génie a quelquefois consacrés à la volupté sont moins dangereux que ces peintures grossières.

Enfin, il serait aisé de prouver que l’habitude de voir de belles statues, comme l’image des beautés que la nature a créées, est plutôt un obstacle au dérèglement de l’imagination. C’est en cachant sous les voiles du mystère les objets dont on veut la frapper, et non en la familiarisant avec eux, qu’on parvient à l’enflammer. Une religion sans mystères ne fait pas de fanatiques, et celui qui connaîtra la beauté lui rendra le culte pur qui est digne d’elle. La connaissance de ces arts emporte avec elle celle de la beauté des formes extérieures, celle de l’expression des sentiments et des passions, celle des rapports que les mouvements et les habitudes de l’âme, les qualités de l’esprit et du caractère ont avec les mouvements du visage, la physionomie, la contenance, la conformation des traits ; ces arts sont donc un des anneaux de la chaîne de nos connaissances, ils doivent être comptés au nombre des moyens de perfectionner l’espèce humaine.

Ceux qui ont voulu les proscrire comme des