Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/416

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moyens de corruption avaient-ils oublié que toute société paisible tend à la douceur des mœurs, se porte vers les plaisirs que les arts peuvent procurer ; et qu’ainsi, en voulant que, pour rester libres, les hommes renonçassent à ces douces occupations, il fallait commencer par les enchaîner sous des lois contraires à la liberté, et les rendre esclaves pour qu’ils n’eussent pas à craindre de le devenir un jour ? Il ne reste donc à un législateur juste et sage que de diriger ce que l’ordre de la nature a rendu nécessaire, de rendre utile ce qu’il ne peut empêcher sans injustice.


Musique.


À ces arts il faut joindre la musique. Lorsque les sons se succèdent par intervalles mesurés, lorsque ceux qui se suivent ou qui s’entendent à la fois sans se confondre, répondent dans le corps sonore à un système de mouvements simples et réguliers, ils excitent naturellement sur l’organe de l’ouïe un sentiment de plaisir qui paraît influer sur l’ensemble de nos organes, et qui peut-être, de même que cette influence, a pour cause première cette régularité de vibration à laquelle tous nos mouvements tendent alors à se conformer en vertu des lois générales de la nature. Il y a plus : les sons, et par leur nature et par leur distribution ou l’ordre de leur succession, excitent et réveillent en nous des sentiments et des passions. Si la musique ne nous entraîne pas, si elle n’imprime pas à notre âme les mouvements