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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/26

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de l’influence de la révolution

due, si dangereuse et si fausse, que les lois ne peuvent avoir sur les peuples qu’un empire passager, et que les corps politiques sont condamnés à se dissoudre après quelques instants d’une vie plus ou moins brillante. Si l’Amérique eût succombé sous les armes de l’Angleterre, le despotisme y aurait bientôt forgé les fers de la mère patrie, et les Anglais auraient éprouvé le sort de toutes les républiques qui ont cessé d’être libres, pour avoir voulu avoir des sujets au lieu de n’avoir que des citoyens.

Or, l’Angleterre eût perdu ses lois en perdant sa liberté. Il peut arriver sans doute que dans une monarchie paisible, un sage législateur respecte assez les droits des hommes pour faire envier au fier républicain le sort de ses heureux sujets. On sait que cette vérité, importante pour la tranquillité de ces constitutions, a été prouvée par des philosophes français, précisément dans le même temps où ils étaient accusés dans les journaux, dans les mandements et dans les réquisitoires, de prêcher la sédition. Mais la violence seule peut assujettir celui qui a joui de la liberté ; et pour que le citoyen consente à cesser de l’être, il faut lui ravir jusqu’à la dignité d’homme.

Par une conséquence nécessaire du respect qu’ont eu les lois de l’Amérique pour les droits naturels de l’humanité, tout homme, quels que soient sa religion, ses opinions, ses principes, est sûr d’y trouver un asile. En vain l’Angleterre offrait-elle le même avantage, du moins aux protestants. L’industrie de ses habitants ne laisse point de ressource à celle de