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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/29

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d’amérique sur l’europe.

plus puissante que les lois. Nous n’en citerons qu’un exemple : la désertion s’était introduite dans une partie de la milice ; les peines les plus sévères n’avaient pu l’arrêter, parce que l’espérance de l’impunité leur ôtait toute leur force. On proposa d’insérer le nom du coupable dans la gazette de son pays, et la crainte de cette punition fut plus efficace que celle de la mort. On sent que cette manière si noble et si généreuse de faire rentrer les citoyens dans le devoir, doit tout son succès au droit qu’aurait eu l’accusé de réclamer avec une égale publicité contre une inculpation injuste.

En Angleterre, l’usage d’éluder par des subtilités, souvent ridicules, les lois encore subsistantes contre la liberté de la presse, le scandale des libelles, la vénalité des écrivains politiques, la fausse chaleur d’un patriotisme qu’on ne sent pas, ont empêché de s’apercevoir que ce pays doit plus encore à la liberté de la presse, qu’à sa constitution, le maintien des lois et le respect qu’on y conserve pour la partie des droits de l’humanité que l’opinion y a consacrés.

Croit-on qu’en voyant la tolérance la plus étendue dont aucun peuple ait encore joui, loin d’exciter des troubles en Amérique, y faire fleurir la paix et la fraternité, les gouvernements des pays où l’intolérance règne encore continueront de la croire nécessaire au repos des États, et n’apprendront pas, enfin, qu’ils peuvent, sans danger, obéir à la voix de la justice et de l’humanité ? Jadis le fanatisme osait se montrer à découvert, et demander, au nom de Dieu, le sang des hommes : la raison l’a forcé de se