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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/30

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l’influence de la révolution

cacher ; il a pris le masque de la politique, et c’est pour le bien de la paix, qu’il demande qu’on lui laisse encore les moyens de la troubler. Mais l’Amérique a prouvé qu’un pays peut être heureux, quoiqu’il n’y ait dans son sein ni persécuteurs, ni hypocrites, et les politiques qui auraient eu peine à le croire sur l’autorité des sages, le croiront, sans doute, sur celle de cet exemple.

En observant comment les Américains ont fondé leur repos et leur bonheur sur un petit nombre de maximes, qui semblent l’expression naïve de ce que le bon sens aurait pu dicter à tous les hommes, on cessera de vanter ces machines si compliquées, où la multitude des ressorts rend la marche violente, irrégulière et pénible ; où tant de contre-poids, qui, dit-on, se font équilibre, se réunissent dans la réalité pour peser sur le peuple. Peut-être sentira-t-on le peu d’importance, ou plutôt le danger de ces subtilités politiques trop longtemps admirées, de ces systèmes où l’on veut forcer les lois, et par conséquent la vérité, la raison, la justice, leurs bases immuables, à changer suivant la température, à se plier à la forme des gouvernements, aux usages que le préjugé a consacrés, et même aux sottises adoptées par chaque peuple, comme s’il n’eût pas été plus humain, plus juste et plus noble, de chercher, dans une législation raisonnable, des moyens de l’en désabuser.

On verra qu’on peut avoir de braves guerriers, des soldats obéissants, des troupes disciplinées, sans recourir à la dureté des administrations militaires