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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/32

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l’influence de la révolution

n’y a pas longtemps, que le peuple est, dans certains pays, taillable et corvéable de sa nature.

Nous disions, il n’y a pas encore longtemps, que le sentiment de l’honneur ne peut exister dans toute sa force, que dans certains États, et qu’il fallait avilir la plus grande partie d’une nation, afin de donner au reste un peu plus d’orgueil.

Mais, voici ce qu’on pourra lire dans l’histoire de l’Amérique. Un jeune général français, chargé de défendre la Virginie contre une armée supérieure, voyant que les soldats qu’on avait tirés de leurs régiments pour lui former un corps de troupes l’abandonnaient, déclara, pour faire cesser cette espèce de désertion, que, voulant avoir avec lui des hommes choisis, il renverrait de l’armée tous ceux dont il soupçonnerait la valeur, la fidélité ou l’intelligence. Dès ce moment, aucun n’eut l’idée de se retirer. Un soldat qu’il voulait charger d’une commission particulière exigea de lui la promesse que, s’il venait à périr en l’exécutant, on mettrait dans la gazette de son pays, qu’il n’avait quitté le détachement que par ordre du général ; un autre hors d’état de marcher à cause d’une blessure, loua un chariot à ses dépens pour suivre l’armée. Alors, on sera forcé de convenir que le sentiment de l’honneur est le même dans toutes les constitutions, qu’il agit avec une force égale sur les hommes de toutes les conditions, pourvu qu’aucune d’elles ne soit ni avilie par une opinion injuste, ni opprimée par de mauvaises lois.

Tels sont les biens que l’humanité entière doit attendre de l’exemple de l’Amérique, et nous serions