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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/35

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d’amérique sur l’europe.

puyés du suffrage de ceux même dont ils prodiguent le sang et la substance. Les guerres seraient devenues moins cruelles : en effet, nous sommes encore bien loin d’avoir donné à la justice, à l’humanité, tout ce qu’on peut leur accorder pendant la guerre, sans nuire au succès. Les troupes réglées ont du moins produit un grand bien, celui de rendre les peuples étrangers à la guerre qu’on fait en leur nom, et il n’y aucune raison pour que l’ennemi ne traite pas les habitants de la frontière qu’il a conquise, comme il traiterait ceux de la sienne s’il était obligé de la défendre. Est-il si nécessaire au succès des guerres maritimes de légitimer le vol et le brigandage ? A-t-on pesé seulement avec quelque attention les tristes avantages et les conséquences funestes de cet usage des siècles et des nations barbares ? Mais ne nous égarons pas dans ces idées qui, toutes simples, toutes naturelles qu’elles soient pour tout homme doué d’un cœur juste et d’un esprit droit, étonneraient encore l’oreille des politiques.

Venons aux effets de la révolution d’Amérique, et voyons si, quoiqu’elle ait coûté une guerre à l’humanité, elle n’aura pas été un bien, même à cet égard.

Si l’Angleterre se fût réconciliée avec ses colonies, le ministère britannique eût senti qu’une guerre étrangère était le seul moyen d’en tirer des taxes, d’y établir l’autorité militaire, d’y avoir un parti. Cette guerre avec la maison de Bourbon eût entraîné la perte d’une grande partie des îles que la France et l’Espagne n’eussent pu soutenir contre l’Amérique