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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 8.djvu/51

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d’amérique sur l’europe.

ductions, dont il est aisé de prédire qu’elles deviendront un jour des objets de commerce, cette espérance ne devrait pas être regardée comme chimérique ; il serait absolument contre l’ordre constant de la nature que ce vaste continent n’offrît que des productions inutiles ou communes à l’Europe.

Des moralistes austères nous diront peut-être que cet avantage, qui se bornerait à nous donner de nouveaux besoins, doit être regardé comme un mal ; mais nous répondrons qu’il nous donnera au contraire de nouvelles ressources pour satisfaire ceux auxquels la nature a voulu nous soumettre. Dans tous les pays, dans tous les temps où il exisleia une grande inégalité dans les fortunes, les hommes auront des besoins factices, et la contagion de l’exemple les fera éprouver à ceux même que la pauvreté empêche de les satisfaire. Ainsi, multiplier les moyens de pourvoir à ces besoins factices, et rendre ces moyens moins coûteux, c’est faire un bien réel, c’est rendre moins sensibles, moins dangereux pour la tranquillité commune, les effets de l’inégalité des fortunes ; et si jamais l’influence lente, mais sûre, d’un bon système de législation peut détruire cette inégalité en Europe, les besoins factices qu’elle seule a fait naître, disparaîtront avec elle, ou plutôt il n’en restera que ce qu’il faut pour conserver à l’espèce humaine cette activité, cette industrie, cette curiosité nécessaires à ses progrès, et par conséquent à son bonheur.

Nous aurions désiré, sans doute, pouvoir compter au nombre des avantages qui naîtront de nos liai-