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au corps électoral,

si, en prouvant par sa conduite qu’on ne les regarde pas comme les mêmes pour tous les hommes, on les rabaisse à n’être plus que les conditions arbitraires d’une convention mutuelle ?

La nation française, occupée aujourd’hui de se rétablir dans ceux dont elle avait négligé de réclamer la jouissance ou l’exercice, partagera, sans doute, la générosité d’un peuple dont elle a défendu la cause, à qui elle doit peut-être une partie de ses lumières actuelles, et dont, malgré la différence des circonstances, des obstacles et du but, il est tant à désirer qu’elle sache imiter la froide et courageuse sagesse. Comment pourrait-elle réclamer contre des abus que le temps a consacrés, que des formes légales ont sanctionnés, et leur opposer les droits naturels et imprescriptibles de l’homme, et l’autorité de la raison, si elle approuvait, même par son silence, un abus aussi évidemment contraire à la raison et au droit naturel que la servitude des nègres ?

La société des amis des noirs ose donc espérer que la nation regardera la traite et l’esclavage des noirs comme un des maux dont elle doit décider et préparer la destruction ; et elle croit pouvoir s’adresser avec confiance aux citoyens assemblés pour choisir leurs représentants, et leur dénoncer ces crimes de la force, autorisés par les lois et protégés par les préjugés. Nous savons qu’il est des injustices qu’un jour ne peut réparer, qui, liées avec l’intérêt politique ou paraissant l’être, ne peuvent être détruites qu’avec les précautions nécessaires pour assurer le bien, et ne point le faire trop acheter ; aussi nous