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diſpoſé les gens du peuple à regarder cet état de liberté come l’état le plus naturel, pourquoi ne lui ferait-on pas entendre qu’il eſt de leur avantage que le cultivateur ſoit maitre abſolu du grain qu’il recueille, afin qu’il ſoit plus intéreſſé à augmenter la réproduction ; qu’il eſt de leur intérêt que le commerce ſoit libre, afin qu’on leur apporte du bled quand ils en manqueront ; qu’il eſt de leur intérêt que les magazins de bled ſoient ſacrés, afin qu’on leur prépare une reſſource dans les années ſtériles.

Ces ſimples réflexions ne ſuffiſent pas, ſans doute, pour réſoudre toutes les difficultés qu’on éléve contre la liberté du commerce des grains, mais elles ſuffiſent pour raſſurer le peuple, pour lui faire ſentir que les partiſans de cette liberté ne ſont pas des monſtres qui empruntent ſa voix pour le dévorer.

Vous dites que le peuple haïra toujours les marchands de bled, qu’il appelle monopoleurs, & qu’ainſi cet état flétri par l’opinion, ne fera jamais un état honnête. Mais,