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Page:Condorcet - Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781.djvu/27

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sur l’esclavage des Negres

cependant il exiſte une ſorte de certitude qu’un homme eſt hors d’état d’exercer ſes droits, & que ſi on lui en confie l’exercice, il en abuſera contre les autres, ou qu’il s’en ſervira à ſon propre préjudice : alors la ſociété peut le regarder comme ayant perdu ſes droits, ou comme ne les ayant pas acquis. C’eſt ainſi qu’il y a quelques droits naturels dont les enfans en bas âge ſont privés, dont les imbécilles, dont les fous reſtent déchus. De même ſi par leur éducation, par l’abrutiſſement contracté dans l’eſclavage, par la corruption des mœurs, ſuite néceſſaire des vices & de l’exemple de leurs maîtres, les eſclaves des colonies Européennes ſont devenus incapables de remplir les fonctions d’hommes libres : on peut (du moins jusqu’au tems où l’uſage de la liberté leur aura rendu ce que l’eſclavage leur a fait perdre) les traiter comme ces hommes que le malheur ou la maladie a privés d’une partie de leurs facultés, à qui on ne peut laiſſer l’exercice entier de leurs droits, ſans les expoſer à faire du mal à autrui ou à ſe nuire à eux-mêmes, & qui ont beſoin, non-ſeulement de la protection des loix, mais des ſoins de l’humanité.