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Réflexions

le légiſlateur leur doit, c’est moins de leur rendre leurs droits que d’aſſurer leur bien-être.

Telles ſont les raiſons qui nous ont fait croire, que le parti de ne point rendre à la fois, à tous les Negres, la jouiſſance de leurs droits, peut n’être pas incompatible avec la juſtice. Ces raiſons paroîtront, ſans doute, très-foibles aux amis de la raiſon, de la juſtice & de l’humanité. Mais un affranchiſſement général demanderoit des dépenſes, des préparatifs ; il exigeroit, dans ſon exécution, une ſuite & une fermeté, dont un très-petit nombre d’hommes ſeroient capables. Cependant il faudroit que pluſieurs hommes réuniſſent à ces qualités le désintéreſſement, l’amour du bien & le courage, il faudroit que ſa révolution fût l’effet de la volonté propre d’un Souverain, appuyée par l’opinion publique, ou de celle d’un corps légiſlatif dont l’eſprit fût constant. Car ſi le plan, ſi l’exécution dépendent de la volonté d’un ſeul homme, de l’activité de quelques coopérateurs, bientôt tous éprouveroient le sort que le genre humain, toujours ignorant & barbare, a fait éprouver à quiconque