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sur l’esclavage des Negres

les habitations, & qu’on ne peut avoir aucun prétexte de ſoumettre à l’eſclavage. Un officier général de la marine de France, diſtingué par ſes lumieres & ſon humanité[1], a

  1. M. de Bori, chef d’eſcadre, ci-devant gouverneur des Iſles françoiſes. Il y a quelques tems que les habitans de la Jamaïque s’aſſemblerent pour prononcer ſur le ſort des mulâtres, & pour ſavoir ſi, attendu qu’il étoit prouvé phyſiquement que leur pere étoit Anglois, il n’étoit pas à propos de les mettre en jouiſſance de la liberté & des droits qui doivent appartenir à tout Anglois. L’aſſemblée penchoit vers ce perti, lorſqu’un zélé défenſeur des privileges de la chair blanche s’aviſa d’avancer que les Negres n’étoient pas des êtres de notre eſpece, & de le prouver par l’autorité de Monteſquieu ; alors il lut une traduction du chapitre de l’Eſprit des loix sur l’eſclavage des Negres. L’aſſemblée ne manqua point de prendre cette ironie ſanglante contre ceux qui tolerent cet exécrable uſage, ou qui en profitent pour le véritable avis de l’auteur de l’Eſprit des loix ; & les mulâtres de la Jamaïque reſterent dans l’oppreſſion. Cette anecdote m’a été certifiée par M. d’Hele, officier Anglois, connu en France par pluſieurs pieces qu’il a données à la comédie de Paris.
    Chez les habitans des Philippines, les enfans naturels des femmes eſclaves naiſſent libres, & la