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sur l’esclavage des Negres

révoltés par la corruption des Negres, qui ſavent moins cacher leurs vices, et trop peu philoſophes pour ſentir que cette corruption n’eſt qu’une raiſon de plus pour les plaindre & pour haïr leurs tyrans ; liés à ces tyrans par le ſang, par l’intérêt, par l’habitude, ils ont, ou cédé au préjugé qui fait croire l’eſclavage néceſſaire, ou manqué du courage qu’il faut avoir pour s’occuper des moyens de détruire la ſervitude des Negres. Tel ne craint point la mort, qui craint de déplaire à ceux dont il est entouré ; tel brave le canon dans une bataille, qui n’oſera braver des ennemis ſecrets, accoutumés à ſe jouer de l’humanité. Les Prêtres chrétiens, établis dans les Iſles, soit Évangeliques, soit Romains, sont des intrigans, des fanatiques ou des ignorans. S’ils connoiſſoient les principes de leur religion, s’ils avoient le courage de les ſuivre dans la pratique, les miniſtres du Saint Évangile recevroient-ils les colons à la ſainte-Cene ? Les prêtres de l’église romaine les admettroient-ils à l’Euchariſtie, leur donneroient-ils l’abſolution ? Eſt-ce que les colons, poſſédant des eſclaves, ne ſont pas des pécheurs publics, des hom-