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sur l’esclavage des Negres

au contraire le témoignage de ceux qui défendent la cauſe de l’eſclavage, qui propoſent de l’adoucir par des loix, lorſque je vois qu’ils ont ou qu’ils eſperent des emplois par le crédit des colons, qu’ils ont eux-mêmes des eſclaves, qu’enfin ils ont été dans les Iſles, ou les protecteurs, ou les complices de la tyrannie, & je doute qu’on puiſſe citer en faveur de l’eſclavage le témoignage d’aucun homme tiré d’une autre claſſe. Malheur à une cauſe qui a contre elle tous ceux qui n’ont point un intérêt perſonnel de la ſoutenir ?

La perte de la liberté eſt beaucoup pour les Negres, il n’y a point d’hommes pour qui elle ne ſoit un grand malheur : ſans doute un Negre ne ſe tuera point, comme Caton, pour n’être pas obligé d’obéir à Céſar, mais le Negre ſe tuera, parce que ſon maître le ſépare, malgré lui, de la femme qu’il aime, parce qu’il la force de ſe livrer à lui-même, parce qu’à l’exemple du vieux Caton, il la proſtitue pour de l’argent[1]. Les Negres

  1. Plutarque dit que le vieux Caton défendoit à ſes eſclaves mâles tout commerce avec des femmes