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Réflexions

on les oblige, à coups de fouet, à faire les efforts qu’on exige d’eux ; mais il est ſûr qu’à tout cela près les chevaux ſont aſſez ménagés : à moins encore que la vanité ou l’intérêt de leur maître ne le porte à les excéder de fatigue, & que par humeur ou par caprice les palfreniers ne ſ’amuſent à les fouetter. Nous ne parlons pas de leur vieilleſſe qui ressembleroit beaucoup à celle des Negres, ſi, par bonheur pour les chevaux, leur peau n’étoit bonne à quelque choſe.

Tel eſt l’exemple qu’on propoſe ſérieuſement, pour montrer qu’un eſclave ſera bien traité, d’après ce principe, que l’intérêt de ſon maître eſt de le conſerver ! Comme ſi l’intérêt du maître pour l’eſclave, ainſi que pour le cheval, n’étoit pas d’en tirer le plus grand parti poſſible, & qu’il n’y eût pas une balance à établir entre l’intérêt de conſerver plus long-tems l’eſclave ou le cheval, & l’intérêt d’en tirer, pendant qu’ils dureront, un plus grand profit. D’ailleurs, un homme n’eſt pas un cheval, & un homme mis au régime de captivité du cheval le plus humainement traité, ſeroit encore très-malheureux. Les animaux ne ſentent que les coups