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sur l’esclavage des Negres

ou la gêne, les hommes ſentent l’injuſtice & l’outrage ; les animaux n’ont que des besoins, mais l’homme eſt miſerable par des privations ; le cheval ne ſouffre que de la douleur qu’il reſſent, l’homme eſt révolté de l’injuſtice de celui qui le frappe. Les animaux ne ſont malheureux que pour le moment préſent, le malheur de l’homme dans un inſtant embraſſe toute ſa vie. Enfin, un maître a plus d’humeur contre ſes eſclaves que contre ſes chevaux, & il a plus de choſes à démêler avec eux, il s’irrite de la fermeté de leur maintien, qu’il appelle inſolence, des raiſons qu’ils oppoſent à ſes caprices, du courage même avec lequel ils eſſuient ſes coups & ſes tortures ; ils peuvent être ſes rivaux, & naturellement ils doivent lui être préférés.

On m’objectera enfin l’humanité des colons : on me dira des hommes diſtingués par leur mérite, honorés de l’eſtime publique, revêtus des premieres places dans quatre des principales nations de l’Europe, ont des poſſeſſions cultivées par des eſclaves, & vous les traitez comme des criminels, qui, chaque jour qu’ils different de travailler à briſer les