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mun, renonceroient difficilement à ces deux avantages ; & qu’en même temps, la Nobleſſe, qui avoit cédé ſans réſiſtance à la voix de la raiſon & au deſir d’avoir part à l’adminiſtration des Provinces, ſaiſiroit avidement l’eſpérance d’un changement qui flattoit ſon orgueil.

Le Gouvernement, embaraſſé de cette déclaration, convoqua les Notables en 1787, & ſoumit ainſi la diſcuſſion des droits du Peuple à une aſſemblée de privilégiés : l’iſſue fut telle qu’on auroit dû le prévoir. Cependant la diſcuſſion publique avoit échauffé les eſprits : l’opinion de la Capitale ſe déclaroit avec force en faveur des droits des Citoyens ; on voulut la ſatisfaire & ménager en même temps les prétentions des Ordres privilégiés ; la Nation qu’on appelle le Tiers-Etat, obtint un nombre égal de Députés pour les Etats Généraux, comme elle l’avoit obtenu pour les Aſſemblées Provinciales, & la queſtion des délibérations communes fut renvoyée à la déciſion des Etats Généraux. La Nobleſſe fut irritée, mais il lui reſtoit l’eſpérance de maintenir l’uſage de délibérer par Ordre : les Citoyers applaudirent ; mais ils ſentoient qu’ils n’avoient obtenu qu’une demi-juſtice, & la guerre entre les Ordres fut déclarée.