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Page:Condorcet - Réflexions sur les affaires publiques par une société de citoyens.pdf/12

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leur zèle plus meſuré, mais plus déſintéreſſé, leur mériteroit la confiance & la faveur publique ; ils craignirent donc que la Nobleſſe populaire ne leur enlevât une partie des députations ; ils cherchèrent à la rendre ſuſpecte, à l’exclure des Aſſemblées, à la faire déclarer non éligible, & ils y réuſſirent.

Par cette conduite imprudente, le Tiers-Etat ſe déclaroit lui-même un Ordre particulier, convenoit qu’il n’étoit pas la Nation, puiſqu’il rejettoit de ſon ſein une partie des Citoyens qui la compoſent.

Ces excluſions, qui n’étoient pas toujours paiſibles, irritèrent la Nobleſſe ; elle crue voir dans le Tiers-Etat des ennemis occupés de la dépouiller de ſes prérogatives. Une foule de brochures répandues avec profuſion, lues avec avidité, menaçoient même ſes propriétés féodales que l’ignorance confondoit avec ſes privilèges. L’idée de former dans les Etats Généraux un corps ſéparé qui opposât ſon droit négatif aux entrepriſes du Tiers-Etat, devint donc l’opinion générale des Nobles de la Capitale & des Provinces.

Cependant la Nobleſſe, plus éclairée ſur ſes véritables intérêts, auroit pu conclure, de cette même haine, la néceſſité de ne point ſe ſéparer