Page:Condorcet - Réflexions sur les affaires publiques par une société de citoyens.pdf/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(8)

convoquées à des époques fixes. Dès-lors ; pendant leurs longs intervalles, la neceſſité d’agir oblige à des Loix proviſoires, & les Cours reprennent à l’égard de ces Loix leur ancienne prétention de remplacer les États Généraux. Dès-lors, des Loix faites par les États Généraux ſeront ſans ceſſe modifiées proviſoirement par les Cours, car le prétexte des inconvéniens non prévus ne manquera jamais. Dès lors, la Nobleſſe militaire liguée avec la Magiſtrature toute compoſée de Nobles, & réuniſſant ainſi le pouvoir judiciaire au commandement des forces militaires, pourra tantôt menacer le Gouvernement du retour des Aſſemblées Nationales, tantôt le gagner par l’eſpérance de les éloigner, s’oppoſer à la réforme des abus, exercer contre les Citoyens un pouvoir tyrannique, & fonder une ariſtocratie funeſte. La néceſſité du conſentement national pour lever les impôts même néceſſaires, reſſource toujours foible & dangereuſe, ne ſeroit ici qu’un obſtacle illuſoire. Les prétextes pour retarder la convocation ne manqueroient pas, & une prorogation d’impôts ſoutenue par les armes & par les jugemens plus effrayans encore, rendroit l’Aſſemblée des États inutile au Gouvernement, tandis que le fer des Loix ſeroit