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Page:Condorcet - Réflexions sur les affaires publiques par une société de citoyens.pdf/18

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& le puiſſant aux dépens du foible & du pauvre. La renonciation aux privilèges pécuniaires eſt un acte de juſtice, mais il exiſte de fait des privilèges pécuniaires plus importans que tous ceux de la Nobleſſe. Tel eſt d’abord le privilège des riches de tous les Ordres contre les pauvres ; car perſonne n’ignore que dans contes les répartitions d’impôts, les riches ont été ſcandaleuſement favoriſés. Tel eſt enſuite le privilège des marchands qui font un grand commerce, contre ceux qui en font un petit ; des ouvriers habiles contre les ouvriers maladroits ; des journaliers célibataires contre les journaliers chargés d’enfans : privilège qui eſt la ſuite néceſſaire de la forme vicieuſe des impôts indirects, parce que ces impôts, font proportionnels à la dépenſe & non au revenu. Ainſi, le droit négatif des Ordres, loin d’être favorable au Tiers-État, lui eſt abſolument contraire. Dira-t-on que, par des refus obſtinés ſur d’autres objets, il peut forcer les autres Ordres à céder ce qu’ils auroient envie de refuſer ; mais cette méthode d’amener le bien par le mal, d’obtenir une condeſcendance raiſonnable par des refus contraires à la raiſon, eſt indigne de la majeſté d’un grand Peuple ; c’eſt introduire le manege & la fauſſeté où il