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ne faudroit que de la vérité & de la juſtice.

On a dit que le Tiers-État, après avoir vainement attendu les deux autres Ordres, déclareroit qu’il forme la Nation & délibéreroit ſeul.

Cette réſolution ſeroit contraire à la raiſon & aux principes rigoureux du droit naturel. Les quatre-vingt-dix-neuf centièmes d’une Nation ne peuvent ſe déclarer la Nation que dans le cas où le centième qui reſte n’auroit pas été exclus par le fait des quatre-vingt-dix-neuf autres. Or, 1o. il eſt conſtant que, dans pluſieurs Bailliages, c’eſt le Tiers-État qui a prononcé la ſéparation des Ordres, & qu’en général il n’a pas voulu conſentir aux élections en commun. La Nobleſſe a donc acquis par ce refus le droit de délibérer à part, & de charger les Députés nommés par elle de ſon vœu particulier.

2o. Dans pluſieurs Bailliages, & notamment à Paris, les Nobles quoique élus par des Communautés, ont été exclus des Aſſemblées du Tiers-État ; & par une telle conduite, ces Aſſemblées ont déclaré équivalemment qu’elles ſe regardoient comme formées non des Députés de la Nation, mais ſeulement des Députés d’un Ordre de la Nation.