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fois en allemand et en latin. Ce n’étoit plus comme au temps des albigeois ou de Jean Hus, dont la doctrine, inconnue au delà des limites de leurs églises, étoit si aisément calomniée. Les livres allemands des nouveaux apôtres pénétroient en même temps dans toutes les bourgades de l’empire, tandis que leurs livres latins arrachoient l’Europe entière au honteux sommeil où la superstition l’avoit plongée. Ceux dont la raison avoit prévenu les réformateurs, mais que la crainte retenoit dans le silence ; ceux qu’agitoit un doute secret, et qui trembloient de l’avouer, même à leur conscience ; ceux qui, plus simples, avoient ignoré toute l’étendue des absurdités théologiques ; qui, n’ayant jamais réfléchi sur les questions contestées, étoient étonnés d’apprendre qu’ils avoient à choisir entre des opinions diverses ; tous se livrèrent avec avidité à ces discussions, dont ils voyoient dépendre à la fois, et leurs intérêts temporels, et leur félicité future.

Toute l’Europe chrétienne, de la Suède jusqu’à l’Italie, de la Hongrie jusqu’à l’Espagne, fut en un instant couverte de