Page:Condorcet Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(203)

papisme. Depuis long-temps il existoit en Europe, et sur-tout en Italie, une classe d’hommes qui, rejetant toutes les superstitions, indifférens à tous les cultes, soumis à la raison seule, regardoient les religions comme des inventions humaines, dont on pouvoit se moquer en secret, mais que la prudence ou la politique ordonnoient de paroître respecter.

Ensuite, on porta plus loin la hardiesse ; et, tandis que dans les écoles on employoit la philosophie mal entendue d’Aristote, à perfectionner l’art des subtilités théologiques, à rendre ingénieux ce qui naturellement n’auroit été qu’absurde, quelques savans cherchoient à établir sur sa véritable doctrine un systême destructeur de toute idée religieuse, dans lequel l’ame humaine n’étoit qu’une faculté qui s’évanouissoit avec la vie ; où l’on n’admettoit d’autre providence, d’autre ordonnateur du monde que les lois nécessaires de la nature. Ils étoient combattus par des platoniciens, dont les opinions, se rapprochant de ce que depuis on a nommé déisme, n’en étoient que plus effrayantes pour l’orthodoxie sacerdotale.