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philosophie, contre laquelle l’appui de cette doctrine est devenu si nécessaire au triomphe de la raison.

Née dans les uns de l’orgueil, dans les autres de l’intérêt, ayant pour but secret de perpétuer l’ignorance, et de prolonger le règne des erreurs, on en a vu les nombreux sectateurs, tantôt corrompre la raison par de brillans paradoxes, ou la séduire par la paresse commode d’un pyrrhonisme absolu ; tantôt mépriser assez l’espèce humaine pour annoncer que le progrès des lumières seroit inutile ou dangereux à son bonheur comme à sa liberté ; tantôt enfin, l’égarer par le faux enthousiasme d’une grandeur ou d’une sagesse imaginaires, qui dispensent la vertu d’être éclairée, et le bon sens de s’appuyer sur des connoissances réelles ; ici, parler de la philosophie et des sciences profondes comme de théories trop supérieures à un être borné, entouré de besoins, et soumis à des devoirs journaliers et pénibles ; ailleurs, les dédaigner comme un ramas de spéculations incertaines, exagérées, qui doivent disparoître devant l’expérience des affaires et l’habileté d’un homme