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dans une action si surprenante, et tous les mouvements que des passions si fortes sont capables de produire sur le corps d’un homme, sont exprimés dans cette figure d’une manière admirable.

L’on dit que les deux serpents qui se présentèrent à la vue de Laocoon et qui se jetèrent sur lui sont la première cause de toutes les passions qui semblent l’agiter, parce qu’un objet si affreux, ayant été représenté à l’âme par le moyen des esprits, qui lui font une peinture dans le cerveau de tout ce qui lui peut nuire, elle donna aussitôt un mouvement aux esprits qui servent à faire mouvoir les parties du corps dont elle a besoin pour se garantir du péril qui la menace.

Ainsi par les bras et les jambes de cette figure, il paroît qu’elle se défend des deux serpents, et qu’en les serrant de ses mains, elle tâche à s’en délivrer. Mais comme ses efforts sont inutiles, l’âme, qui est saisie de tristesse et de désespoir, imprime d’autres marques sur le visage. Et parce que c’est dans le cerveau que les esprits se remuent davantage par les divers mouvements que leur donne cette glande, qui est, selon l’opinion de quelques philosophes, le siège de l’âme, et qui les fait agir sur les nerfs en autant de manières qu’elle ressent de passions différentes, on voit que les parties du visage étant fort proches du cerveau, elles reçoivent de plus prompts changements. Car ces esprits émus et échauffés passent aussitôt des nerfs dans les muscles, et en les remplissant extraordinairement, les enflent davantage et les font raccourcir ; ce qui fait que le nez, la bouche et les sourcils se retirent, et que les yeux offensés de l’objet qu’ils voient s’élèvent en haut et se détournent.

On ajouta que ces mêmes esprits passant plus outre dans tous les nerfs et dans tous les muscles du corps, les font élever et paroître davantage à l’endroit de l’estomac, et aux parties qui sont d’ordinaire agitées par ces passions violentes, et même comme ils se répondent jusqu’à l’extrémité des pieds, on voit dans cette figure que les doigts en sont retirés et tout crochus, de sorte qu’il n’y a pas une seule partie dans tout ce corps où l’on ne reconnoisse le trouble et l’agitation qu’a pu ressentir un homme qui s’est trouvé dans un pareil état.

Pour découvrir encore ce qui fait que sur le visage et